Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
138 CHAPITRE QUATRIÈME.
variété de ses servitudes intéressées (1). Il continuait à se glisser, avec une souplesse égale à son cynisme, au milieu des hommes et des partis. D'Avaray, emporté par la jalousie, a appelé un jour d'Antraigues « la fleur.des drôles». Cette qualification appartient bien plutôt à Montgaillard; politiquement parlant, d'Antraigues était un viveur ; Montgaillard est un prostitué. A l'époque où, de concert avec Fauche-Borel, il tentait de corrompre Pichegru, il envogait à d'Antraigues deux brochures de sa composition, comme litre à un certificat de fidélité de la part de Louis XVIII. Le certificat lui fut accordé, mais avec des avis bien sentis sur l’inutilité de sa présence en Italie. On redoutait ce nouveau faiseur, sur un terrain déjà occupé par des hommes en possession exclusive de la confiance royale.
Montgaillard apparut cependant à Venise à la fin de l'été de 1796. IL avait alors l'attitude d’un royaliste fidèle, actif et utile. À Blankenbourg, résidence actuelle du roi, on faisait cas de ses talents et de ses moyens; on l'avait employé à la délivrance de Madame Royale; on acceptait même comme des motifs de s'appuyer sur lui ses relations, soupconnées ou à demi avouées, avec les républicains, et on le croyait capable de gagner Bonaparte, ainsi qu’il avait gagné, il s'en vantait du moins,
(1) « Depuis quelque temps (juin 179%), il s’est échappé de Paris un certain M. de Montgaillard, lequel est arrivé à Bruxelles et y a été recherché par tout le monde pour avoir des détails exacts sur ce qui se passe en France... Ce Montgaillard, qui a fait la campagne de 1792 .…., prétend depuis ce temps avoir été initié dans tous les secrets des jacobins.. Il est parti de Bruxelles et à, dit-on, été en Angleterre donner au gouvernement tous les renseignements les plus importants. » (D'Esricar, Journal ms ; vol. XI. — Bibl. de Clermont-Ferrand.)