Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
140 CHAPITRE QUATRIÈME.
récit, comme nous Le verrons plus loin, quelque histoire plus ou moins authentique sur les rapports tentés ou à tenter avec Bonaparte. D’Antraïigues, vivement intéressé, s'empressa de noter, le lendemain de l'entretien, ce qu'il avait entendu.
C'était l'usage alors de fixer sur le papier, au sortir d’une conversation, le dialogue auquel on avait pris part, ou même assisté en témoin muet. Joseph de Maistre, sortant à Venise d'une entrevue avec le cardinal Maury, s'en rend compte la plume à la main; Talleyrand, à Erfurth, s'empresse d'écrire les paroles échangées entre Napoléon et Gæthe. D'Antraigues lui-même avait noté ses entretiens avec Rousseau, et on verra plus loin rédigé de sa main et sur l'heure celui qu’il eut avec Champagny à Vienne, en 1802. Ce que lui racontait Montgaillard en 1796 pouvait lui paraître suspect, étant données la réputation du narrateur et l'étrangeté du récit. Il pensait du moins recueillir une page intéressante et inconnue de l'histoire de la contre-révolution, se donner des armes, le cas échéant, contre tous ceux qui y figuraient. Il ne se doutait guère qu'il rédigeait un document historique et politique important, une pièce de conviction fatale à son parti et à lui-même.
Tout en classant dans ses archives la confidence écrite de son émule en intrigues, d’Antraigues ne la paya point au prix qu'espérait son auteur; il refusa d'ouvrir le moindre crédit à un homme qui n’exhibait aucun pouvoir en règle émané de Louis XVIII ou des Anglais. Ainsi rebuté, Montgaillard cria bien haut qu’on l'empéchait de rendre au roi les plus grands services, puis repartit pour l'Allemagne au milieu de décembre, en quête de dupes plus faciles. L'abbé du Montet, resté derrière lui en criant misère, finit par extorquer une dizaine de louis à