Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
146 CHAPITRE QUATRIÈME.
cour, si je cachais le nom d’une personne attachée à ma mission d'ordre exprès de mon souverain. C’est M. le comte de Launai d’Antraigues, pour lequel je réclame Les égards que le droit des gens assure à tous les membres d'une mission publique.
Bervanorre. — Mais, monsieur, ceci ne peut regarder le comte d’Antraigues, qu'on dit être ambassadeur de Louis XVIII notre ennemi, et en conséquence je vous déclare qu'il est arrêté. S'il eût été le plus fort, il nous eût fait tous fusiller; maintenant que nous le sommes ici, nous usons de ce droit-là.
Morpvinov. — Puisque vous déclarez vous-même user du droit du plus fort, je n'ai qu’à réitérer ma protestation contre le procédé indigne dont on use à mon égard. En retenant M. d’Antraigues, vous manquez au souverain qui à daigné le placer près de moi. Le passeport du ministre de France ne spécifie aucune exception pour les personnes attachées à ma légation, et je dois envoyer un courrier à S. M. l'Empereur, afin de l’informer de ce qui m'arrive.
Bervarorre. — Sachez donc que, pour ce qui est de l'arrestation de M. d’Antraigues, j'agis d'ordre exprès de mon gouvernement. Quant à votre personne, j'ai prescrit qu’il soit fourni à vous et à votre suite un logement convenable à l'auberge, et vous êtes maître de demeurer ou de continuer votre route, ainsi que vous le jugerez à propos (1). »
D'Antraigues, aussitôt après son arrestation, apprit qu'il partirait pour Milan dans quelques heures. Ses
(4) Ce dialogue est emprunté presque textuellement à une longue dépêche de Mordvinov datée de Fiume, 14/25 mai.
(A. M.)