Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

L'ARRESTATION. — LE PORTEFEUILLE (1:97). 147

malles furent retenues et fouillées en tous sens. Mme Saint-Huberty, moins surveillée que lui, put seulement détourner les trois portefeuilles que son mari avait eu l’imprudence d’'emporter. Avertie à temps d'avoir à en anéantir deux, elle jeta au feu ou pétrit dans l’eau tous les papiers qui s’y trouvaient ; puis elle livra le plus tard possible celui qui restait, fermé à clef et qu’elle croyait exclusivement rempli d’opuscules littéraires et de pièces insignifiantes. Un seul portefeuille, si gros qu'il fût, quand on pensait saisir toute une bibliothèque, était un maigre butin. On y mit cependant les scellés, et le propriétaire y apposa son cachet.

Autorisé à faire ses adieux à Mordvinov, il ne manqua pas l’occasion de se dire hautement Russe et dévoué à l'empereur de Russie. Comme il recommandait avec instance sa femme et son fils : « Ils ne veulent pas vous quitter, lui dit-on, et désirent partager votre sort. » D’Antraigues, à son tour, se croyant engagé par la reconnaissance, sentant d’ailleurs que Mme Saint-Huberty, pour le servir dans sa captivité, devait avoir d’autres titres que le souvenir de ses talents et de ses succès, se décida à la déclarer comme sa femme légitime. Quand elle vint lui faire ses adieux, il lui tendit la main, et présenta aux assistants la comtesse d’Antraigues; puis il demanda pour elle et son enfant l'autorisation de le suivre. On y consentit, à condition qu'il payerait les frais du voyage.

Le même soir, d’Antraigues partait en poste, entre deux pelotons de dragons, son portefeuille à ses côtés, sur les genoux d’un officier. Sa femme et son fils le précédaient dans une prémière voiture.

Bernadotte lui avait promis des égards personnels; ils ne lui manquèrent pas pendant le voyage, qui dura six