Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

148 CHAPITRE QUATRIÈME.

jours. À son passage à Vérone, le 26 mai, d’Antraigues rédigea, sous forme de lettre au général en chef, une première protestation; comme sujet employé et payé par un souverain étranger, il demandait qu'on lui rendit son portefeuille et qu'on le ramenàt à Trieste. Le 27 au soir, à son arrivée à Milan, son premier logis fut une étroite cellule, dans un couvent transformé en prison. Le lendemain, on le conduisit à la citadelle, où il habita une chambre voûtée et grillée, avec un factionnaire à sa porte. Sa femme et son fils avaient dû se loger en ville, sauf à être réunis à lui durant le jour.

Ici commence pour lui une période de trois mois où il eut l'honneur fatal à sa réputation d’être mis face à face avec le vainqueur de l'Italie. Pour démêler les incidents et les conséquences de sa captivité, nous avons deux séries de documents : la première comprend la correspondance officielle de Bonaparte, et les indications semées par Napoléon dans les conversations et les dictées de Sainte-Hélène; la seconde se compose des lettres et mémoires émanés de d’Antraigues lui-même. La correspondance n’est pas complète; les récits de Napoléon, postérieurs de vingt ans, au milieu d’omissions voulues et d’inexactitudes peut-être involontaires, semblent rendre assez justement dans l'ensemble l'attitude qu'il avait eue envers son prisonnier. D’Antraiques, au contraire, à multiplié les détails sur cet incident capital de sa vie, autre facon commode pour un homme d'esprit et d'imagination de farder et de masquer la vérité. Dans ses écrits à ce sujet, les contradictions, les mensonges palpables foisonnent. Ce double dossier laisse dans l'ombre plus d’une particularité à laquelle on doit suppléer par des conjectures tirées soit de la vraisemblance des faits dans leur succession logique, soit du caractère des