Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

L'ARRESTATION. — LE PORTEFEUILLE (1797). 149

hommes. Nous espérons néanmoins avoir éelairci, autant qu'il peut l'être, cet épisode qui se lie de si près, en l'an V, à l'histoire générale de la Révolution.

La première pensée de Bonaparte fut d'expédier le captif à Paris. Le 30 mai, il donna un ordre en ce sens à son chef d'état-major Berthier. Mais le lendemain, une nouvelle missive lui arriva, datée « du cachot n° 10 »; l’auteur se plaignait d’être victime d’un guet-apens tel qu'il n’en avait pas trouvé dans les déserts de l’Arabie; il demandait à être réuni à sa famille, à assister à l’inventaire de son portefeuille et à l'examen de ses papiers. Bonaparte ne jugeait pas en cefte affaire les formes d'usage plus opportunes à Milan qu'elles ne l'avaient été à Trieste. Il fit briser les scellés et sauter la serrure du portefeuille.

Au milieu de liasses insignifiantes, lettres de JeanJacques Rousseau, dissertations philosophiques ou littéraires, minutes de documents remontant à l’ancien régime, on trouva le narré des conversations tenues avec Montgaillard l’année précédente. Bonaparte pressentait le coup d'État préparé alors à Paris contre les Conseils ; il voulait autant que possible attirer entre ses mains les pièces justificatives de cet attentat, comme plus tard s'en attribuer les bénéfices. Perdre un rival tel que Pichegru, se donner les apparences d’avoir servi la république sauf à la dominer ensuite, tel était son but, et pour mieux y parvenir, il pensa que d’Antraigues serait mieux entre ses mains qu'entre celles de Barras. Impatient d'obtenir le commentaire verbal des papiers qu'il venait de saisir, dans la nuit même (1* juin), il fit venir le prisonnier, en voiture, à son quartier général de Monbello.

Leur entrevue dura plusieurs heures. Quel en fut le caractère? D'Antraigues, on le sait, était capable moins.