Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
L'ARRESTATION. — LE PORTEFEUILLE (1797). 151
Son interlocuteur, si hardi la plume à la main, devait mal supporter une discussion verbale, surtout en de semblables circonstances. Éperdu devant cette parole tranchante et menaçante, puis exalté par l'importance que semblaient lui donner des avances succédant à des défis, il se laissa aller à sa faconde, révéla les affaires de son parti en exagérant complaïsamment son rôle, fit peutêtre certaine promesse dont nous parlerons tout à l'heure, bref fut joué ou crut utile d’être joué.
Quandil sortit de ce tête-à-tête, il se disait content de Bonaparte, probablement parce qu'il l'était alors de luimême (1). Plus tard, il s'apercevra du rôle qu’il a étourdiment accepté, et ce sera la pensée de cette humiliation, jointe au désir de rentrer en grâce auprès des royalistes, qui le conduira à composer après coup son attitude, à ne faire ressortir que la partie « tragique » de l’entretien, à y introduire le spectacle de sa résistance à une proposition déshonorante et de son héroïsme invincible. Il imagina, en effet, pour faire oublier la conversation trop réelle avec Montgaillard, une conversation ou plutôt une altercation avec Bonaparte. Le général aurait mis sous ses yeux quatre cahiers contenant des extraits de soi-disant lettres de Pichegru, du prince de Condé, de Flachslanden, rédigés de facon à perdre tous ses rivaux, et il lui aurait dit : « Tenez, signez ces papiers comme extraits de votre portefeuille, je vous le conseille. Vous serez réintégré dans vos biens, vous toucherez cent
(4) « De la part du général en chef, j'ai éprouvé des témoignages d'intérêt. En se refusant à me rendre la justice qui m'est due, il m'a offert tout ce que le désir de m'être personnellement agréable pouvait lui inspirer. » (Mémoire du # juin.)
« Pour Les procédés particuliers et personnels, je ne peux que m'en louer. » (A Boissy d’Anglas, 23 juin.)