Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

L'ARRESTATION. — LE PORTEFEUILLE (1791). 15%

faussetés, vous voyez quel rôle il (Montgaillard) vous. fait jouer à vous-même. Vous voyez qu'il prétend vous avoir vu, connu, parlé, avoir traité avec vous (1). » Or rien de tout cela n’existe dans le texte actuel de la conversation. Plus tard, d’Antraigues, s'adressant au roi, citait sa première conversation avec Montgaillard. La première en suppose une seconde, qui a disparu; il n’est pas difficile de deviner comment ni pourquoi. Seulement, dans ce cas, Bonaparte, aussi désireux de livrer au Directoire les pages inculpant Pichegru que de supprimer celles qui avaient trait à lui, aurait, dans l'entrevue du 1* juin, fait promettre à son prisonnier la rédaction d’une version nouvelle et partielle, et d'Antraigues, sous le coup de la peur, obéissant à une invitation impérieuse ou doucereuse, aurait payé, par cette: transcription faite de souvenir, la rançon de sa prochaine délivrance; il aurait même laissé au début quelques anecdotes sur les coryphées de la Terreur, qui n'étaient guère propres à être mises sous les yeux des Directeurs, afin de donner le change sur l’origine et la destination du document. Puis, une fois ce service rendu et oublié: avec intention, il aurait repris toute son assurance pour uier publiquement la pièce originale, sous prétexte qu'on l'avait extraite de son portefeuille sans qu'il fût présent.

Cette conjecture paraîtra peut-être subtile, mais elle: me semble seule pouvoir expliquer, en présence de certains faits ou de certains témoignages authentiques, les assertions contradictoires des uns, le silence voulu des autres.

Dès le lendemain de l'entrevue du 1° juin, d’Antraiques parait évidemment payé de quelque service-

(1) A. F., France, vol. 591, [°° 125 et suiv.