Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
154 CHAPITRE QUATRIÈME.
rendu. Le 4, ilest transféré du cachot n° 10 dans un appartement plus vaste de la citadelle, où il pourra habiter avec sa femme et son fils et recevoir les soins nécessaires à sa santé. C’est une première prime accordée à ses indiscrétions. Le 7, il passe de la citadelle dans un palais de Milan, chez le marquis Andreoli. Il est consigné là, par billet de logement, avec un officier de planton et douze soldats à sa porte et des sentinelles aux issues, mais dans des appartements dorés, dit-il, comme il n’en avait jamais vu de sa vie.
Quelques heures plus tard, à minuit, l'adjudant général Couthaud se présente pour lui faire subir un nouvel interrogatoire. Couthaud, après quelques questions insignifiantes posées en présence de témoins, se ménage un tête-à-tête, puis : « Voulez-vous reconnaître qu'un cahier contenant vos conversalions avec Montgaillard est écrit de votre main et a été trouvé dans votre portefeuille? — Non, lui est-il répondu; je n'ai eu devant moi qu'un aventurier du nom de Royer; je ne reconnaîtrai pas ce cahier, à moins qu'on ne me le présente, que je ne l’aie lu et signé à chaque page. » Et sur l'insistance de Couthaud : « Je déclare que la pièce est fausse et je n'en veux reconnaître aucune sans la voir. »
Ainsi voilà un document qu'il récuse, quant à son origine et quant à son auteur. Mais alors ses réponses n€ visaient-elles pas le texte original, celui où Bonaparte était mis en scène et que, par conséquent, on ne voulait pas lui montrer? Cette équivoque habile lui paraissait sauver à lui-même sa propre sincérité, et devoir sauver sa situation devant ses amis; car il l’a continuée. Gette pièce qu'il disait fausse à Couthaud, il l'avouait quelques jours plus tard, mais c'était alors une ébauche de trois ou quatre pages inachevées. Elle est devenue ensuite un