Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
156 CHAPITRE QUATRIÈME.
pièces du dossier transmis à Paris, onze ont été signées et parafées par Berthier. La signature manque à la douzième, qui est justement la conversation. Un oubli ne se conçoit guère ici, car c'était la seule pièce vraiment importante à authentiquer. Berthier répugnait-il secrètement, malgré ses démonstrations jacobines, à contribuer à la perte de Pichegru? Ou bien aurait-il été retenu par un sentiment d’une nature plus délicate? Berthier avait été, ne l’oublions pas, le principal témoin de l’entrevue du !* juin, et il était initié à tous les secrets de l’état-major ; auraitil voulu ne pas consacrer par sa signature l'authenticité d’une pièce dont il connaissait les véritables origines? IL suffit d'indiquer cette question insoluble, comme tant d’autres, dans cette affaire rendue mystérieuse à dessein par tous ceux qui y furent mêlés.
Quoi qu’il en soit, la pièce trouvée ou non dans le portefeuille de d’Antraigues, mais écrite entièrement de sa main, devait sans retard être expédiée à Paris; là seulement elle avait une valeur sérieuse. On la plaça entre d’autres papiers sans valeur, propres, ce semble, à la faire ressortir, fragments de comptes, copies de vieux mémoires ou minutes de vieilles lettres, et le 10 juin ce singulier dossier destiné au Directoire partait pour Paris (1).
Dès le 6, le portefeuille ainsi allégé avait été remis au
(1) Dans les Pièces justificatives de sa Votice sur les généraux Pichegru et Moreau, Kauche-Borel a publié, d’après une note à lui remise par d'Antraigues, la liste des papiers soustraits dans le portefeuille. Cette liste correspond exactement aux pièces contenues dans le dossier des Archives nationales (AF II, 4%). On trouve de plus, dans ce dossier, mais sans numérotage, les pièces saisies à la fin de juin, et un billet envoyé de la part de Bonaparte en l'an XII pour prescrire un nouvel examen des pièces.