Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

158 CHAPITRE QUATRIÈME.

Faute de prendre l'un ou l’autre parti, de lui appliquer l'une ou l’autre qualification, il fallait le remettre en liberté.

C’est ce que pressentait le ministre des relations extérieures Delacroix, lorsque, le 7 juin, à la nouvelle de l'arrestation, il demandait une enquête sur place à ce sujet; et c’est ce que confirme Bonaparte dans sa réponse du 19. En attendant, le Directoire prescrivait à deux reprises de ne point relâcher le prisonnier, par mesure de police militaire, jusqu’à de nouvelles circonstances et à des ordres ultérieurs (1). Il lui semblait utile de garder sous les verrous un homme qui pouvait devenir, dans la lutte prochaine contre les Conseils, un otage précieux.

Cependant d’Antraigues, confiné au palais Andreoli, usait aussitôt des facilités dont il jouissait pour sa correspondance, et prenait Bonaparte, la France et l'Europe à témoin de l'injustice de sa détention. Dès le 4 juin, il avait composé un mémoire qu'il réussissait à transmettre à l'abbé de Pons, à Turin, en recommandant de le faire au plus tôt imprimer, distribuer au roi, au prince de Condé, aux agents anglais répandus en France (2). Ses lettres allaient trouver sa mère à Florence, MarrenxMontgaillard à Venise, le duc d'Havré à Madrid. Il faisait assurer Louis XVII qu’on n'avait trouvé sur lui aucune pièce compromettante, et lui demandait éventuellement une recommandation auprès de l’envoyé de Prusse à

(1) AF IT, 452, n° 2557 et 2570 (31). Le premier arrêté est signé Reubell, Barras, la Réveillère, le second Carnot, Barras, Barthélemy.

(2) Ge mémoire est imprimé dans : 1° Perrier, Paris pendant d'année 1797, vol. XIV, p. 173; 2 Souvenirs d’un émigré (par Laporte), p. 295.