Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
LA CAPTIVITÉ. 159
Paris. 11 savait bien qu’à Blankenbourg on n'arriverait jamais à saisir la preuve écrite de son imprudence ou de sa trahison.
Du côté de Bonaparte, sa tactique était autre; après avoir déclaré (8 juin) qu'il ne répondrait plus à aucun interrogatoire, il rédigeait le 12 une note où il essayait d’atténuer la portée des pièces soustraites. Comme dans sa réponse à Couthaud, il évitait de s'expliquer au sujet de la conversation, et se rejetait sur la qualité présumée de son interlocuteur ; ilniait de nouveau avoir eu affaire au vrai Montgaillard, et il demandait audacieusement à être confronté avec l'aventurier qui avait pris ce nom. Seulement, sachant Montgaillard en Allemagne, il indiquait Livourne comme le lieu de sa résidence, et requérait Bonaparte de l'y faire arrêter. Pendant deux mois la police française chercha inutilement Montgaillard à travers la Toscane. D'Antraigues s’est plus tard vanté, comme d’un trait d'habileté, de cet impertinent mensonge (1).
Pour obtenir sa liberté personnelle, il n’avait pas besoin de ces subterfuges. Là il se sentait sur un terrain solide: comme Russe, il invoquait le droit public; et, à supposer qu'il fût resté Français, il se disait protégé par la Déclaration des droits de l'homme et la Constitution de l'an IL. Les réclamations écrites ou verbales lui coùtaient peu; il en a avoué onze pendant ses trois mois de captivité. Il répétait avec raison : « Vous me traitez en émigré, quand je me réclame, comme étranger, de la juridiction suprême du Directoire; vous me regardez comme prisonnier de guerre, quand je demande à être jugé sur Le fait d’émigration par les tribunaux. »
(4) D'Antraigues à Louis XVIII, 4 février 4798. (A. F.)