Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
160 CHAPITRE QUATRIÈME.
Depuis l'entrevue du 1‘ juin, d'Antraigues ne paraît plus avoir rencontré Bonaparte dans un tête-à-tête préparé par son fout-puissant interlocuteur. Il est difficile de déterminer où et à quel moment ils se revirent; il est certain toutefois qu'il y eut entre eux des entrevues passagères, presque fortuites, où la conversation dégénérait assez vite en altercation violente (1). La Saint-Huberty amena quelques-uns de ces rapprochements, par suite de ses relations avec Mme Bonaparte.
L’ex-vicomtesse de Beauharnais tenait alors à Milan une espèce de cour; là, comme plus tard à la Malmaison et aux Tuileries, les émigrés étaient accueillis avec courtoisie et même avec empressement. La Saint-Huberty, devenue comtesse d’Antraigues et décorée du cordon de Saint-Michel, était devenue socialement son égale. L'ancienne chanteuse, dans l'intérêt de son mari, alla voir l'ex-grande dame; et Bonaparte toléra ces visites, comme pouvant lui fournir l'occasion d’interpellations directes ou d'insinuations indirectes à son prisonnier.
Ce fut sans doute auprès de Joséphine qu'il rencontra plus d'une fois l’hôte du palais Andreoli; mais que pouvait-il répondre à ses réclamations, sinon qu'il attendait, ce qui élait exact, un ordre du Directoire, ou bien lui laisser entrevoir qu’au premier moment favorable il le mettrait de son propre mouvement en liberté? Dans ces entretiens, sur lesquels nous avons au plus quelques indications, le général dut être, comme le 1* juin, tantôt caressant et tantôt violent par système, l'émigré tantôt abondant en protestations sans péril sur sa situation, tantôt complaisant par vanité et indiscret lorsqu'il s’agis-
(1) D’Antraigues écrit à Maury (21 juillet 1798) qu'il a encore causé avec Bonaparte quatre heures le 13 juillet.