Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

164 CHAPITRE QUATRIÈME.

se préparait à Paris tournait contre le Directoire. Il se plaignit en termes plus mesurés du contenu des lettres saisies, et fit même entendre que la décision qu'il était obligé de maintenir jusqu'à nouvel ordre n'aurait plus rien de rigoureux. Seulement il donna des ordres sévères pour que Mme Saint-Huberty fût retenue à Milan et pour que toutes ses lettres et celles de son mari fussent à l'avenir interceptées. Le nouveau dossier saisi à Côme prit à son tour le chemin de Paris.

D'Antraigues passa tout le mois de juillet dans une demi-captivité, aggravée d'autre part par l'interruption de sa correspondance. Il pouvait recevoir à son gré des visites, mais la police surveillait de près ses sorties, et son signalement, il dit même son portrait en couleur, avait été transmis aux portes de la ville et aux frontières de la Lombardie, surtout du côté de la Suisse. Peu à peu il renoua ou se créa des intelligences en dehors de Milan; il aurait même pris sa revanche de l'arrestation de son messager en interceptant dans les bailliages italiens et en payant trente-quatre louis une lettre adressée par Bonaparte à Barras. Du côté de la France, par un prêtre émigré de Grenoble, que lui avait amené son hôte, il serait rentré en rapport, à Turin, avec l'abbé de Pons et Stackelberg, le ministre russe. IL aurait par cette voie fait parvenir à Paris, avec des pièces utiles à sa défense, des avis propres à éclairer la majorité des Conseils et la minorité du Directoire. Bien mieux, si l'on peut s’en fier à son propre témoignage, il écrivit à Carnot le 14 juillet que le coup d'Etat se préparait, qu'il était urgent de prendre l'offensive contre Barras et de faire arrêter Bonaparte par ses ennemis secrets, Bernadotte et Kilmaine (1).

(1) D’Antraigues à Maury, 1 septembre 1798.