Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

166 CHAPITRE QUATRIÈME.

avec lui, s’excuser du parti qu'ils avaient pris; ils ouvraient leur bourse et offraient de toute façon leurs services. Des soldats lui faisaient comprendre qu'ils fermeraient les yeux sur sa fuite.

Après sa translation au palais Andreoli, d’Antraigues ayant eu à subir quelques vexations de la part du poste préposé à sa garde, ses plaintes amenèrent près de lui le général Kilmaine, le chef d'état-major Vignolles et le commandant de la place. Kilmaiïne, entre Bonaparte et d'Antraigues, paraît avoir joué un rôle assez singulier. Cet officier avait épousé une Irlandaise très royaliste et toujours philosophe, qui de loin s'intéressait à l’ancien ami de Jean-Jacques. Il avait eu un avancement rapide et fait une grande fortune en France. Ces avantages le maintenaient au service de la république, sans le rendre républicain. Il était royaliste dans l'âme, tout en disant de Louis XVIIT : « Ce n’est pas là l’homme qu'il nous faut (1). » Son seul désir était de conserver, à la faveur d'une paix prochaine, ce qu’il avait acquis; il en était dès 1797 au point où en étaient les maréchaux de l'empire en 1812. Devant ses compagnons, Kilmaine parla à d’Antraigues avec froideur et dureté, puis s'étant ménagé un fête-à-têle avec lui, il lui fit, avec ses condoléances, ses confidences politiques. Il semblait craindre dans un avenir prochain les entreprises de Bonaparte, et vouloir se ménager parmi les adversaires de la république des connaissances utiles. En attendant il se créait des titres à La gratitude de celui qu'il tenait à sa merci ; il se vantait en effet plus tard de lui avoir épargné de comparaître devant un conseil de guerre (2).

(1) D’Antraigues à Thugut, 20 août 1798. (A. V.) (2) «Vous ne savez pas toutes les obligations que vous lui de-