Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
LA CAPTIVITÉ. 167
Quelques semaines plus tard, d’Antraigues reçut de nouveau la visite de cet officier. On se sentait bien, même à Milan, à la veille d’une révolution en France; le 14 juillet, à une fête patriotique, la plupart des généraux avaient porté des toasts menaçants, signé des adresses furibondes et déclamatoires qui encourageaient le Directoire dans les préparatifs de son attentat. Ceux qui pensaient autrement se tenaient à l'écart, mais ne se taisaient pas absolument, comme on va le voir.
Plaçons ici le seul extrait du journal de d’Antraigues pendant sa captivité qui nous ait été conservé; il donne un apercu curieux de l’état des esprits dans l’armée. « Le 16 juillet, j’eus la visite de M. Kilmaine, du général Vignolles et du général Dumas. Ce dernier, dans la conversation, parla fortement en faveur du duc d'Orléans, comme étant propre à devenir le chef de la république, si l’on persistait à vouloir réunir l’action du pouvoir exécutif dans une seule main. Les raisons qu'il en donnait étaient qu'il serait l’homme de la Révolution, n’existant que par elle, et que, outre son intérêt, on ne pouvait ignorer qu'il avait affectionné la Révolution de bonne foi, même en sa forme républicaine..., que lui, Dumas, qui avait été un des trois envoyés pour causer avec lui à Hambourg, avait été content de toutes ses dispositions. Il me demanda s’il n’était pas vrai que tous les royalistes modérés s’accommoderaient de M. le duc d'Orléans. Je lui répondis que je l'ignorais. « Mais vous, me dit-il. — Moi, je ne m'en accommoderais sous aucun rapport. » Alors M. Kilmaine se mêla de la conversa-
vez. Bonaparte, sans lui, vous eût mis au conseil de guerre, et ce ne fut qu'à sa résistance à se prêter à ses vues, comme président de ce conseil, que vous avez dû de n’y être pas jugé. » (Vannelet à d’Antraigues, 27 novembre 1798. — A. V.) -