Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

172 CHAPITRE QUATRIÈME.

Mme d'Antraigues avait raconté et persuadé autour d'elle que son mari était malade, par conséquent hors d'état de se montrer pendant plusieurs jours. Elle-même sortit ensuite de Milan, vêtue en paysanne, un panier d'herbes à la main. L'avant-veille, elle avait fait demander un passeport à Kilmaine, afin, disait-elle, d'aller chercher de l'argent à Trieste, et le matin elle avait annoncé sa visite à Mme Bonaparte pour le jour même. Son fils, envoyé aux environs de Milan, dans la maison où il avait été en nourrice, fut conduit ensuite à Mendrisio, et, quelques jours après, toute la famille était réunie en Tyrol, à Innsbrück.

Ce fut là que leur arriva la nouvelle du 18 fructidor. La « pièce trouvée dans le portefeuille de d'Antraiques », publiée au Moniteur, répandue en brochure, placardée dans toutes les villes, avait démontré à la masse des fanatiques et des badauds la légitimité du coup d'État. Sous cette forme, il est vrai, elle n'était plus intacte; le scribe chargé de la transcrire pour l’Imprimerie Nationale avait supprimé les premières pages, peu agréables aux survivants de la Terreur, avait mal lu certains mots, en avait laissé d'autres en blanc, avait enfin déclaré le tout trouvé « à Venise », et, ce qui est plus grave, ajouté d'autorité la signature de Berthier. Bien que tronquée et altérée, cette pièce faisait de son auteur un délateur illustre. D’Antraigques entendit son nom retentir partout, en France et en Europe, en même temps que se répandait la nouvelle de sa délivrance.

Parmi les fructidorisés, on devine l'impression. Ils

d’Antraigues proteste contre l'authenticité des pièces publiées dans ce journal et dans d’autres gazettes, tant en Allemagne qu'en Italie.