Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

L'ÉVASION. — LA DISGRACE. 173

voulaient croire à un faux commis par le Directoire pour les perdre. Lemerer appelle la conversation un « soliloque » dont il fait honneur à l'imagination de son rédacteur (1), et ce rédacteur pour d’autres est Montgaillard, qui a voulu ainsi se venger de l'accueil reçu à Venise. À Milan même, ceux qui s’intéressaient à l'affaire insinuaient que le prisonnier avait payé d'avance et d'une manière peu honorable pour lui sa délivrance; les plus indulgents parmi les témoins, républicains ou émigrés, le disaient évadé avec l’aveu de ses geôliers, sa personne important peu depuis la saisie de son portefeuille (2).

Montgaillard et l'abbé du Montet excitaient aussi de loin contre lui l'opinion. Selon le premier, qui continuait à Hambourg, près du ministre Roberjot, le métier qu'il avait exercé à Venise auprès de Lallemant, la conversation avait été dictée par Bonaparte, transcrite par Berthier, et l'auteur avait recu pour ce service 1,000 ducats et un passeport. D’après le second, qui prétendait reconstituer d'après des conjectures et des témoignages subalternes les scènes de Milan, la conversation aurait été écrite en chiffres, et le temps passé à la déchiffrer expliquait le délai écoulé entre sa saisie et le 18 fructidor (3).

A Blankenbourg, on ne savait trop que penser. Leprisonnier avait certifié n'avoir livré aucune pièce compro-

(1) Appel à la nation française, p. 19-83. (CE Camille Jordan, député du Rhône, à ses commettants, p. 8-11. — Le 18 fructidor, par Gazzaïs, t. I, p. 21, et la Déclaration de Faucar-Borez dans le Spectateur du Nord, octobre 1797, p. 135.)

(2) Général Sarrazx, Mémoires, p. 69. — Souvenirs d'un émigré (par Laronre), p. 140.

(3) L'interminable mémoire de du Montet, dont le premier cahier manque, est aux 4. F., France, vol. 592, [os 276 et suiv.

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