Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

176 CHAPITRE QUATRIÈME.

voulu avouer. L'a-t-il, une fois captif, commentée ou modifiée au gré d'un vainqueur menaçant? Ceci restera un mystère historique qu'aucun des initiés n'avait intérêt à dévoiler. En tout cas, bien des années après, d’Antraigques sentait le sang lui monter au visage, et ses yeux étincelaient au souvenir de l’humilialion qu'il avait subie. Il prouvait une fois de plus qu’on rejette volontiers sur autrui les conséquences des fautes qu’on a soi-même commises. Au contraire, Bonaparte se souvenait plus tard uniquement d'avoir été bravé. Cela ressort de l'acharnement avec lequel il poursuivit d’Antraigues à Dresde. Celui qui était de sa part l'objet d'une telle haine avait peut-être fléchi un moment devant lui, mais il n'avait été ni fasciné, ni dompté, et c'est ce que Napoléon pardonnait le moins à ses adversaires.

Quoi qu’il en soit, d'Antraigues fut mis subitement par Louis XUIIT hors la confiance: on eût dit en France hors la loi. Toute correspondance avec lui fut du jour au lendemain interrompue. Il était déjà condamné, lorsqu'il arriva à Vienne (10 octobre). Après un court séjour à Innsbrück, il était venu à Trieste, à la recherche des papiers qu’il avait dû, lors de son arrestation, confier à la légation d'Autriche; il parvint à les retrouver seulement à Vienne, à la chancellerie. Depuis lors, il séjourna alternativement dans cette ville et à Gratz.

Toutefois il reparut encore en Italie dans l'automne de 1798. Il venait revoir à Padoue Las Casas, atteint d’une maladie mortelle, et recevoir l'expression de ses volontés particulières. Ce fidèle ami lui fut enlevé le 27 novembre. Las Casas est, après J.-J. Rousseau et avant Armfelf, une des rares personnes qui lui aient accordé et inspiré pleine confiance, et qu'il ait aimées jusqu'à la fin. Depuis lors il ne tint plus à l'Espagne que par une pen-