Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
L'ÉVASION. — LA DISGRACE. 179
Maury, sinon qu'il le préviendrait avant de prendre un parti ; il rappela avec l'accent de la menace qu'il détenait toujours les papiers de Malesherbes, que ces papiers, mis en sûreté en Angleterre, contenaient des révélations accablantes pour le frère et successeur de Louis XVI. En 1799, il demeurait et il demeurera jusqu’à la fin de sa vie tenté de faire payer sa disgrâce par une publication propre à la fois, disait-il, à confondre d’Avaray et à le justifier lui-même. Maury transmit ses lettres à Mittau, en une liasse sur laquelle d'Avaray implacable se borna à écrire pour toute remarque : « Garants de la duplicité de la fleur des drôles. »
Désormais d’Antraïgues ne comptait plus comme serviteur actif du roi. Presque tous les émigrés le considéraient comme un traître. Saint-Priest, afin de mettre à profit pour les parents de sa femme le crédit subsistant de son neveu à Naples, se réconcilia avec lui; mais les autres royalistes accusèrent à l'envi ses intelligences avec Bonaparte. Quant à lui, il se piquait de générosité, et les défendait à l’occasion comme des compatriotes : « Pourquoi donc, lui disait un jour ironiquement Thugut, les jacobins fusillent-ils les émigrés prisonniers? Ils devraient les réunir et les laisser ensemble; en quelques jours ceux-ci auraient imité les araignées et se seraient mangés. — Détrompez-vous, répliqua d’Antraigues, leurs vices sont des vices domestiques, qui n’ont d’activité qu’en famille ; mais qu'on me cite un fait contre eux chez l'étranger et envers l'étranger! Leur conduite sous ce rapport est inattaquable, et de rares exceptions n° infirment pas la règle (1). »
(1) D’Antraigues à Maury, 1% septembre 1798. (A. F., France, vol. 592, fo 3.) — Le baron de Damas, dans ses Mémoires iné-