Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
à VIENNE. — THUGUT, VANNELET (1798-1800). 185
Naples, où il pensait reprendre sa correspondance.
« La cause à laquelle Votre Excellence dévoue sa vie et ses talents est la mienne, écrivait-il à Thugut le 91 août 1798; j'en deviendrai le martyr, s'il le faut, mais je préfère de beaucoup en être le défenseur, et que ce soit le plus tard possible que j'en sois le martyr... Je veux jusqu'à mon dernier soupir faire tout le mal que je pourrai aux brigands du pays qui fut ma patrie, ce sera l'unique occupation de ma vie, et ma haïne, une haine bien nourrie et immortelle, sera l'héritage le plus intact que je léguerai à mon fils. » Cela n'est point d'un ton héroïque ni chevaleresque, mais d’Antraigues, exclu de son parti, n'avait plus que ses passions personnelles pour guide, et il les déguisait sous une formule commode : le salut de l'Europe et des vieilles monarchies. Ayant ainsi endossé, sans quitter l'uniforme russe, une livrée autrichienne, il ne se laissait point arrêter par la pensée de son hostililé antérieure à la chancellerie aulique. À ceux qui osaient lui reprocher cette palinodie, il répondait que les circonstances changent les opinions, et que d’ailleurs il vivait dans un temps où les vieilles opinions étaient peu en faveur.
Ses relations avec Thugut ne durèrent guère plus d'une année. Il lui insinua d’abord, pour se rendre utile, d'essayer de gagner Kilmaine, alors à la tête d’une armée sur le Rhin; mais, ajoutait-il, je ne peux être employé dans cette affaire, étant né Français et suspect par mes services antérieurs auprès de Louis XVIII. Il faut un Allemand ou un Anglais, d'un caractère ouvert, et qui parle dans son sens (1). La mort de Kilmaine fit évanouir ce
(1) Note à Thugut, 20 août 1798. (A. V.)