Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

186 CHAPITRE CINQUIÈME.

projet, tout aussi chimérique que ceux qui avaient visé Pichegru ou Moreau.

D'Antraigues servit mieux Thugut par les renseignements qu'il lui fournit sur l’intérieur de la France. Il reconstitua en effet au profit de cet homme d'État l’ancienne agence de Paris, et, en 1798 et 1799, il surprit à distance et fit connaître au cabinet autrichien d’une façon sûre et précise les secrets de l'administration et de la diplomatie françaises.

Cette agence, à vrai dire, se résumait dans un seul homme, mais dans un homme bien informé, dont les lettres paraissent être arrivées à nous sans interpolations ni modifications appréciables. D'Antraigues, en les transcrivant, n'a retranché que les passages se rapportant à ses affaires de famille, et leur a laissé un accent personnel indéniable. Une vingtaine de ses lettres (la première est du 15 mars 1798, la dernière de mars 1799) subsis'ent aux Archives de Vienne (1); elles tirent leur intérêt des sujets très variés qu’elles traitent à bâtons rompus, de leur date et aussi de la personne de leur auteur. Celui-ci se met en scène à chaque instant, multiplie les détails sur son passé, ses occupations ou ses relations, mais se cache sous le nom évidemment supposé de Vannelet. Oublions un instant d'Antraigues, et allons chercher derrière lui, avec les révélations dont il a les mains pleines, son mystérieux et indiscret correspondant:

Vannelet était pour d’Antraigues peut-être un compatriote, et sans aucun doute un vieil ami. Îi avait commencé sa carrière publique à Montpellier, dans les bu-

(2) Elles commencent juste quand finit la Correspondance de Mazver pu Pax, publiée par M. Michel : la dernière lettre de celle-ci est du 26 février 1798.