Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
A VIENNE. — THUGUT, VANNELET (1798-1800). 187
reaux de l'intendant de Saint-Priest. Pendant les premiers temps de la Révolution, il était demeuré activement fidèle au roi, et gardait avec fierté un billet daté du Temple, sept jours avant le 21 janvier, où Louis XVI l'appelait le meilleur de ses serviteurs. Depuis, resté royaliste de principes, mais détaché des princes émigrés, il s'insinua auprès des maîtres du jour, prit part, pendant la Terreur, à l'administration des biens nationaux et fut secrétaire de Bonnier, l’ancien magistrat de Montpellier devenu membre de la Convention. Après la paix de Bâle, on l’envoya en mission secrète à Berlin afin d'y régler les intérêts privés du roi de Prusse dans la nouvelle république batave. Ce lui fut un titre pour entrer au ministère des relations extérieures, où il ne fit que passer. Sous le Directoire, devenu un homme de finances, il était un des administrateurs de la Caisse des comptes courants.
Au milieu des ruines politiques et particulières, il avait eu l’art de devenir riche et puissant. Lui-même évaluait sa fortune à deux millions; placé au centre des affaires, confondu parmi les agioteurs et les fournisseurs, il savait joindre au talent de tout savoir celui de n'être jamais soupçonné. C'était évidemment « un de ces hommes intelligents et précieux en administration à qui les partis les plus jaloux pardonnent beaucoup parce qu'ils leur sont nécessaires, et qu'eux-mêmes savent avec adresse se renfermer dans la sphère de leurs laborieux services (1) ». Il aimait à remuer plus qu'à paraître, à insinuer ses idées plus qu’à les traduire en actes, et les profits solides le tentaient bien autrement que les dehors de la réputation et du pouvoir.
(1) Mazcer pu Pan, Mémoires et correspondanre, t. II, p. 113.