Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
188 CHAPITRE CINQUIÈME.
Ses moyens d'information ne laissaient rien à désirer. Il avait si bien l'oreille du Directoire qu'il aspirait, le cas échéant, à la succession du secrétaire général Lagarde. Il connaissait de longue date Treilhard ; Reubell aimait à causer avec lui des affaires de la Trésorerie, et Merlin sans succès se disait son ami. Il fréquentait Talleyrand, alors ministre des relations extérieures, sauf à accuser la vénalité du personnage, et comme un de ses neveux était chargé de la correspondance avec une partie de l'Allemagne, il prenait facilement connaissance des instructions envoyées à nos agents, et au besoin des articles secrets des traités. Sieyès lui écrivait de Berlin, Guillemardet de Madrid, Bonnier du congrès de Rastadt. Sandoz, ministre de Prusse à Paris, était de sa société. A Auteuil, où il habitait à côté de Mme Helvétius et de l'ex-comiesse de Boufflers, il se rencontrait avec les réfugiés polonais Dombrowski et Kosciuzko. Au ministère de la guerre, il se montre conversant avec le ministre Schérer, avec Kilmaine, qui lui a montré une lettre de Dumouriez, avec Bonaparte; à la marine, il connaît Pléville-Le Peley et Bougainville. Un de ses anciens employés, Piquenard, est commissaire du Directoire près du bureau central de police à Paris. Vannelet parait donc armé de toutes pièces pour trahir avec succès sa patrie et renseigner au mieux son ami.
Cet homme si habile à masquer son jeu faisait partie d'un groupe de mécontents en conspiration permanente contre le gouvernement et en relations également permanentes avec l'étranger, notamment à Berlin et à Naples. Ils avaient des complices dans les administrations et les états-majors, et leurs rapports avec Londres semblent bien continuer ceux dont Gamon, au temps de l'agence