Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
190 CHAPITRE CINQUIÈME.
son correspondant de Vienne par de communs souvenirs et de communes haines. L’ayant connu enfant, il voyait toujours en lui le « Benjamin » de l’intendant de SaintPriest. IL continuait à fréquenter leurs amis et compatriotes, Bernardin de Saint-Pierre et le « général Boulard » comme Gamon. Il l'avait lui-même servi de son mieux auprès du Directoire pendant sa captivité; il veillait de loin sur sa mère rentrée à Montpellier, et s’occupait du règlement de ses intérêts privés avec sa sœur et sa famille maternelle. Un parent de d’Antraigues, le Vaudois Micheli de Dullit, était l'intermédiaire de leur correspondance.
Les principales communications de Vannelet portent sur les finances et la diplomatie. Il observait de près les membres du Directoire, principalement Treilhard, dont il trace un long et malveillant portrait (1). Il note les nuances de leurs caractères et les divergences de leurs volontés. Voyez, par exemple, ce qu'il raconte de leurs débats, après le rejet par les Conseils de l'impôt sur le sel : « Le feu a été au Directoire ; on ne croira jamais ce qui s’y est passé la nuit du 7 au 8 de ce mois. Mais j'y élais, je l'ai vu et entendu; il y a eu menaces, coups de pied et de poing donnés à Merlin par le bossu La Réveillère, et enfin six heures de débats de crocheteurs (2). » Puis le témoin implacable passe de la salle du conseil dans l'antichambre et y rencontre quelque valet à tout faire comme Lenoir-Laroche; il crayonne en passant cet ex-ministre de la police, scribe louche et venimeux rédigeant une diatribe contre les papes, correspondant à
(1) C£. Mallet du Pan, qui appelle Treilhard « l'un des douze scélérats les plus prononcés qu'ait fait éclore la Révolution ». (Correspondance avec la cour de Vienne, t. I, p. 288.)
(2) Lettre du 5 mars 1799. — Cette lettre est imprimée en entier
à la fin du volume.