Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
A VIENNE. — RAZOUMOVSKI, CHAMPAGNY (1800-1802). 199
cet officieux la satisfaction d’avoir contribué à l’apaisement du différend. Il persista à ne pas se déclarer instruit de ce qu'il fallait pour un rapprochement, et d'Antraigues dépité dut prendre congé (1).
Quelques semaines plus tard, on le vit reparaïître sous le même prétexte à la chancellerie, et il aurait même essayé de faire entendre des vérités très dures. Thugut changea alors de procédés et offrit sans ambages à son interlocuteur de le prendre à la solde du cabinet autrichien. Il s'agissait pour d’Antraigues de se conformer dans sa correspondance aux vues de la cour de Vienne, tout en restant ostensiblement au service de la Russie. La tâche, lui disait-on, n'avait rien que d'honorable, les deux empires étant alliés ou sur le point de le redevenir. On lui offrait (et ici l'homme habile à se faire valoir reparaît) 500,000 florins et des terres en Hongrie. D'Antraigues fit l'indigné, repoussa de frès haut, à l'en croire, une mission qu'il devait cependant accepter au prix d’une maigre pension deux ans plus lard; et ce fut dès lors entre lui et Thugut une rupture complète (2). I ne cessa de le décrier, le traitant, devant qui voulait l'entendre, de Séjan et de fléau de l'Europe.
Au printemps de 1800, les relations diplomatiques furent rompues entre la Russie et l'Autriche. Il y eut brouille, sinon guerre. Pendant plusieurs mois, les agents
(1) A. F:, l'rance, vol. 634, fs 228-230.
(2) D'Antraigues à Czartoryski, 1° janvier 1803. (A. P.) — On a vu déjà, par plus d’un exemple, combien il aimait à raconter les tentations, vraies ou fausses, offertes à sa vénalité, En 1806, il écrit encore à un personnage politique anglais : « En 1799 et en 1801 on m a offert 400,000 livres.., pour consentir à légaliser la vente (de mes biens) aux propriétaires actuels. . » (B. M., Add. mss. 31230, {° 162.)