Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

200 CHAPITRE CINQUIÈME.

officiels partis, d’Antraigues resta par ordre à Vienne. On lui enjoignit même de s’y maintenir le plus longtemps possible (1).

Au commencement de 1801, il préparait un travail d'un intérêt à la fois actuel et rétrospectif, qui lui avait été spécialement commandé par Paul I. Il s'agissait de faire connaître, par un récit suivi, les vicissitudes des relations entre les deux empires pendant l’année 1799 (2). Toutes les pièces nécessaires lui avaient été envoyées à cet effet, et il poursuivit sa tâche avec d'autant plus d'ardeur qu'il y trouvait matière à un vif réquisitoire contre Razoumowsky, son ennemi personnel. Il écrivit done tout un volume et le fit passer, en attendant une autorisation d'imprimer, à Londres avec une partie de ses papiers; il tenait à ne pas être désarmé par quelque soustraction possible de la part de ses nombreux adversaires. C’étaient sans doute des travaux de ce genre qui faisaient dire à Rostoptchine : « Jamais personne n'a servi l'empereur Paul comme lui. »

Et cependant, quelques jours avant sa mort, le 12 mars 1801, l'empereur comprit d’Antraigues parmi ceux qu'il frappait alors de sa disgrâce. « Justement indigné, dit le protocole officiel, de la hardiesse qu'avait eue le comte de mettre dans son paquet des lettres de la

(1) Rostoptchine à d’Antraigues, 19 juillet 1800.

(2) D'Antraiques, adressant son apologie à Roumianzov, le 1% juillet 1809, cite ce passage d’une lettre qui lui aurait été adressée par l'empereur Paul, le 21 novembre 1800 : « Il est impossible d'être plus instruit que vous l’êtes et de mettre plus de talent et de zèle à servir son souverain, Continuez. Laissez-moi le soin de votre avenir, car je me plais à écarter les soucis et les peines de ceux qui à de grands talents réunissent un pareil dévoue-

ment à mes états et à ma personne. »