Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
A VIENNE. — RAZOUMOVSKI, CHAMPAGNY (1800-1802). 201
reine de Naples et de l'archiduc palatin », il suspendit le
ayement de sa pension, sauf à lui faire passer quinze cents ducats destinés à l'indemniser des frais de ses services antérieurs. Ge congé inattendu parvint à d'Antraiques avec la nouvelle de l'assassinat de Paul. Lui aussitôt, avec ce savoir-faire peu scrupuleux qui le caractérisait, d'accuser réception de cette somme dans une lettre antidatée et adressée à l’empereur défunt, comme s'il eût trouvé là un encouragement, et d'ajouter, — ce qui était un mensonge aussi énorme que difficile à découvrir, qu'il refusait 300,000 roubles spontanément offerts pour la continuation de cette correspondance. Il comptait donner ainsi au nouvel empereur une haute idée de son importance et aussi de son désintéressement. En racontant plus tard cette mystification, il ajoutait avec une impertinente désinvolture : « C'est ainsi qu’il faut savoir captiver l'attention et l'intérêt des souverains pour les mieux servir (1). »
Je doute qu'Alexandre ait été la dupe de cette prétendue générosité; en tout cas, il rétablit sa pension, et quelques mois plus tard (27 août 1801) la doubla et la porta à 600 ducats. Le vice-chancelier était alors Panine, qui parait avoir été toujours sous le charme de l’émigré français (2). Kourakine le protégeait aussi de loin, en attendant Czartoryski.
Brouillé avec Thugüt, en hostilité avec Razoumovsky, d'Antraigues demeurait néanmoins une sorte de personnage politique européen. Du côté de Naples, la confiance, la reconnaissance restaient entières. Marie-Caroline sollicita de nouveau ses conseils, au moment d'entrer dans
(1) Faucre-Borez, Mémoires, t. III, p. 198-200. (2) Ordre du 1° avril 1801, contresigné Panine. (A. P.)