Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

A VIENNE. — RAZOUMOVSKY, CHAMPAGNY (1800-1802). 209

appelle son roi et non qu'il vienne à elle, qu’elle le place et non qu'il se replace. J'ai vu, il y a quinze mois, une quantité de sénateurs, de généraux, même des ministres prévoir cet événement, et plutôt décidés à choisir un Bourbon qu’un autre, mais je n'ai vu balancer qu'entre deux personnes, le duc d'Enghien et le duc d'Orléans. Le père du duc d'Orléans nous à fait trop de mal... Si ceux qui l'ont condamné n'existent plus, la faction qui l'a fait périr existe dans la plupart de ses chefs; on le préférerait à tous les autres de sa famille, mais on préfère Enghien à lui. On l’a même pressenti à ce sujet; Barthélemy a eu des moyens de le faire tâter... Nous ne pouvons être si pressés que lui, car Bonaparte est loin d'avoir fini l’objet qui l'a fait placer, et lui seul peut en finir.

D'ANTRAIGUES. — Je n'aime pas Louis XVIII... Jamais je ne le servirai, ni ne rentrerai en France s’il y règne; mais pour le repos de l'Europe je désire le retour du principe. Et puis, où que je sois, j'aimerai toujours la France, et son bonheur me consolera de ne plus y vivre...

CuampaGxy. — Mais réfléchissez qu’on ne fait pas une révolution pour obéir aux vaincus, on ne prend pas leurs propriétés pour les leur rendre, et on ne s’investit pas de dignités pour les leur céder. Je ne doute pas qu’au bout de votre plume Louis XVIII ne fasse des proclamations admirables, mais... il nous faut un roi qui soit roi parce que je suis propriétaire, et qui ait une couronne parce que j'ai cette place; il faut donc, pour finir la Révolution, un roi créé par elle, tirant ses droits des nôtres, sans cela il faut se battre jusqu'à la fin des siècles…

D'ANTRalGUES. — Avez-vous quelque envie de faire rentrer les émigrés ?

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