Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
210 CHAPITRE CINQUIÈME
CuampaGxy. — Aucune pour eux-mêmes, mais comme leurs familles sont en France et que quelques-unes les désirent ou plus ou moins, on les laissera rentrer, mais on ne les emploiera pas; on les méprise. Mais on cherchera à les priver de tous les gens de talent qu'ils peuvent avoir…
D’AnTralGues. — Vous croyez donc que nous nous reverrons en France?
Cuampacxv. — Je le désire trop pour ne pas le croire, et je suis trop attaché à votre sœur pour n’en pas nourrir l'espoir. Personne ne serait plus opposé que moi à vous y voir sous Bonaparte, et, s’il n’y était pas, personne ne serait plus ardent à vous y appeler (1)... »
Telle était la conversation qui se poursuivait dans un faubourg de Vienne entre le représentant et l'ennemi personnel du Premier Consul, neuf jours après le Te Deum du Concordat, un jour après l'amnistie solennelle accordée aux émigrés, deux mois avant la proclamation du consulat à vie. Ces dates qui l’encadrent lui sont par elles-mêmes un suffisant commentaire.
On ignore quelle fut la suite des relations, nécessairement intermittentes et clandestines, entre les deux amis. Toutefois, si l’émigré parut ignorer l'ambassadeur, il sut retrouver autour de lui, parmi les secrétaires, un ami de sa famille nommé Posuel, et il obtint par lui communication des pièces rédigées ou reçues à l'ambassade française. On devine le profit qu'il tirait de cette trahison pour sa propre correspondance. À Dresde, il continua à être renseigné par ce Posuel, qui, trois ans après, se rendant à Berlin, allait encore le voir en secret (2).
(1) Cette conversation, écrite tout entière de la main de d’Antraigues, est aux À. F., France, vol. 63%, f* 240 et suiv.
(2) « Jamais depuis dix-huit mois ce Posuel, que je connais depuis vingt ans et qui est tout dévoué à mon beau-frère... ne m'a