Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
212 CHAPITRE CINQUIÈME.
Il vit bientôt arriver Razoumovsky, sans qu'il eût été donné suite à sa requête. Sa position devenait insoutenable entre le cabinet autrichien, qui avait rompu avec lui et le traitait en espion russe, et un ministre qui voulait rester pour sa cour le canal unique des informations. Dès que Panine eut quitté les affaires (30 septembre 1801), le comte de Saurau, ambassadeur impérial, demanda officieusement l'éloignement de d’Antraigues (1) Le vice-chancelier Kotchoubey refusa par amour-propre national, et donna pour excuse que cet éloignement paraîtrait l'effet d’une vengeance particulière de Razoumovsky. Il n'agissait pas moins dans le sens désiré par son interlocuteur; car il obtint qu'on autoriserait le protégé de Kourakine et de Panine à s'établir à Dresde, sauf à y continuer sa correspondance et à attendre son prochain passage en Angleterre : « Cet arrangement, écrit le 3 mars 1802 Kotchoubey à Razoumowsky, n’a pas laissé que de coûter beaucoup de peine, et je vous supplie de n’en parler à qui que ce soit, pas même à la reine de Naples. Il serait homme à écrire Dieu sait quel conte et à gâter toute l'affaire. Je suis bien de votre avis que l’on u’a jamais poussé plus loin les mystifications (2). »
Le 6 mai 1802, d’Antraigues recevait, au lieu de la décoration tant de fois sollicitée et si longuement attendue, une bague en diamants, et Le 5 juin, il prenait la route de Dresde. Marrenx-Montgaillard profita de la circonstance pour accepter, sous un prétexte de famille, l’amnistie consulaire, et pour rentrer en France.
D’Antraigues demeura en Saxe de juin 1802 à juillet 1806.
(4) Saurau à Gobenzl, 16/28 novembre 1801. (A. V.) (2) Wassiremxov, la Famille Razoumovsky, t. I, p. 402.