Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
A DRESDE.— CZARTORYSKI, COBENZL (1802 1804). 213
Dresde était, par sa situation à mi-chemin de Vienne et de Berlin, de Paris et de Pétersbourg, un endroit merveilleusement placé pour concentrer les informations et les nouvelles. La Cour saxonne, au point de vue social, était celle de l'Europe qui rappelait le plus les idées et les usages antérieurs à 1789; c'était aussi, au point de vue politique, le centre où devaient aboutir tous les fils des coalitions futures. L'électeur catholique penchait vers l'Autriche, son ministère protestant vers la Prusse. Le jeune Metternich, débutant dans la diplomatie à Dresde comme représentant de la cour de Vienne, observait de loin Berlin et Pétersbourg, et préparait la formation d'une ligue défensive jugée nécessaire contre la France. Napoléon, à son tour, reconnaitra l'importance de cette position diplomatique, et la fera occuper par Durant, le principal auxiliaire de Talleyrand, au moment de remanier à son gré toute l'Allemagne.
À son arrivée à Dresde, d’Antraigues laissa croire à un séjour momentané, prélude de son départ pour la Russie; puis il s'installa en homme décidé ou résigné à une longue résidence (1). Il alla voir le ministre anglais, muni d'une lettre de recommandation du prince de Ligne, puis il se hasarda chez les ministres de Hanovre, d'Autriche, de Prusse. Depuis ses retentissantes aventures de Milan, il était nécessairement moins considéré comme serviteur de la Russie que comme ennemi du Premier Consul, et chaque diplomate mesurait ses relations avec un tel homme à l’état plus ou moins précaire des relations de son gouvernement avec le gouvernement français. Bientôt il fut tenu, bon gré, mal gré, pour un personnage politique avec lequel il fallait compter. On se
(1) La Rochefoucauld à Talleyrand, 23 juin 1802.