Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

A DRESDE.—CZARTORYSKI, COBENZL (1802-1804). 215

sait Bonaparte, lui semblait bon à laisser parler, utile à faire entendre. Le ministre russe savait qu’une alliance avec la France ne pouvait se faire qu’au détriment de la Pologne; il se rappelait la convention du 10 octobre 1801, dirigée contre les royalistes français en même temps que contre ses compatriotes. IL était porté vers les premiers par intérêt bien entendu pour les seconds, et quiconque excitait l'empereur contre le Premier Consul lui semblait un auxiliaire utile (1).

D'Antraigues, dans son refuge de Dresde, lui dut donc d’abord un rang dans la hiérarchie, celui de conseiller d'État (15 décembre 1802), et il essaya de justifier par une correspondance nourrie et intéressante le semblant de faveur qu'il rencontrait enfin à Pétersbourg. Khanikov, sans autorité et sans expérience, se défait de lui et lui aurait rendu à l’occasion un mauvais service, mais en somme le laissait faire. D'Antraigues étendait donc de près ou de loin ses relations à son gré. À Hanovre, il entretenait des espions autour de l'état-major de l’armée française d'occupation. À Paris, il avait retrouvé de vieilles et précieuses connaissances, dont nous apprécierons plus loin les informations. A Dresde même, à la légation de France, où il vit passer La Rochefoucauld, Durant et de Moustier, il fut tenu régulièrement, par des agents bien choisis, au courant de la correspondance avec Paris et avec Vienne (2).

(1) Czarrorvskr, Mémoires, t. T, p. 286-361. (CF. l'opinion de l'empereur Alexandre en 1809, dans Tariscuerr, Alewandre L* et Napoléon F*, p. 488.)

(2) D'Antraigues à Cobenzl, 20 mai et 22 septembre 1805 (A. V.) — Un certain Zabiello le mettait au courant de la correspondance que La Rochefoucauld, transféré à l’ambassade de Vienne, entretenait avec la légation de Dresde.