Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
A DRESDE.— CZARTORYSKI, COBENZL (1802-1804). 219
Vers le même temps, un autre grand factotum diplomatique, Gentz, quittait la Prusse et s'établissait à Vienne. Cet adorateur de la Révolution française à ses débuts, désabusé maintenant ou ramené par intérêt personnel à d’autres idées, passait au service autrichien; il s'efforçait de préparer par ses écrits l'accord de l’Autriche et de la Prusse pour le relèvement de l'Allemagne, et aussi pour la restauration de Louis XVIII, avec lequel il était entré en correspondance. Il traversa Dresde alors, y vit d'Antraigues, et s'entendit avec lui en vue d'une action commune.
Pendant plus d’un an, d’Antraigues usa son temps et son encre dans des négociations qui ressemblaient à des complots, et qui constituent pour nous les préliminaires compliqués et mystérieux de la troisième coalition. Ses lettres allaient trouver Harrowby, l’envoyé extraordinaire venu de Londres en Prusse, Alopéus, ministre de Russie à Berlin, Pierrepoint, ministre d'Angleterre à Stockholm. Il n'eut aucune relation de conséquence, comme on le croyait à la légation française, avec Metternich (1). Toute sa diplomatie était au bout de sa plume, et, quoique Russe sans arrière-pensée, il s’épanchait auprès de Cobenzl comme de Czartoryski, en s’efforçant de s’arréter au point où l'indiscrétion eût été qualifiée de trahison. A l'un et à l’autre il envoyait des mémoires sur la Saxe ou la Bavière, ou les états de l’armée française du
(1) Selon de Moustier (17 mars 1805), d'Antraigues et Metternich se seraient abouchés deux ans auparavant par les soins d’Armfelt. Or, d’Antraigues écrit à Cobenzl, le 4°° mars 1805 : « Ce Metternich ne m'est guère connu; mais en croyant que ses principes sont bons, je n'ai pas grande idée de ses talents. » Ailleurs (à Czartoryski, 5 septembre 1803) il accuse Metternich d’avoir excité La Rochefoucauld contre lui,