Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
228 CHAPITRE SIXIÈME.
l'ancien équilibre européen qu'à la grandeur actuelle de la France; car il croit et il dit qu'une Angleterre puissante est nécessaire, afin d'empêcher Bonaparte d'être un fléau chez lui et chez les autres. Comme Vannelet, il veut être utile au petit-fils de son ancien protecteur, qu'il connaît depuis 1772. Il veille à la tranquillité de sa mère, et il fait sur sa recommandation rendre leurs biens à d'anciens émigrés. Il se propose de lui fournir, avec des pièces utiles, des thèmes exacts Pour ses aperçus politiques, de façon que l’exilé puisse sortir de pair en Russie et forcer la faveur. Même il Jui promet de lui communiquer, comme des modèles, les exposés classiques de Richelieu qui sont aux archives. Enfin ses lettres sont du même ton et du même style que celles du mystérieux correspondant de l’an VI.
Dès 1802, cet homme écrivait à d’Antraigues (1). En possession de relations multiples, habile à surprendre les secrets d'autrui, il les livrait volontiers, mais il n'avait pas l'orgueil d'être cru à la légère, et quand il n'a pas vu la pièce qu’il cite ou le fait qu'il raconte, il le mentionne expressément : « De vous dire ce que j'ai oui dire, ce n’est plus un service à vous rendre, c’est bavarder comme un gazetier (2). » Et de fait il prétendait corriger les assertions Controuvées et intéressées des journaux, révéler à Dresde les vérités qu'on voulait cacher à Paris. Ce n'était assurément pas un de ces agents vénaux, sans scrupules d'aucun genre, qui cherchént à gagner leur salaire en acceptant ou en imaginant les premières nouvelles venues. Assez riche pour être
(1) « Latour, ami de Fox, dont je vous ai parlé en 1802. » (Lettre des 16-22 juillet 1803.) (2) L’ami à d’Antraigues, 16-22 juillet 1803.