Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

L'AMI ET L'AMIE DE PARIS. 285

au département où il servait des avances qui lui rapportaient jusqu’à 12 pour 100. Il plaçait avec succès dans les fonctions publiques ses parents et amis du Dauphiné et du Languedoc. Aussi tenait-il au secret le plus absolu sur ses relations à l'extérieur. Du côté de l'Angleterre, où il était en rapports indirects avec le sous-secrétaire d'État Hammond, il n'avait jamais été trahi; il exigeait de son correspondant de Saxe la même discrétion, ne voulant ni être connu du cabinet russe, ni servir à aucun degré les Bourbons. Il envoya à Dresde, entre autres pièces, de substantiels mémoires sur la Bavière et la Saxe dans leurs rapports avec la France; il joignait à ses lettres des exemplaires du Moniteur avec des commentaires écrits en chiffres, à l'encre sympathique, sur les marges. Sa correspondance, que nous avons considérée comme inséparable de celle de son père, continua jusqu'au temps où, la guerre approchant, les communications devinrent trop difficiles, les relations trop périlleuses, et où l’on ne dut plus entendre, à Dresde comme à Paris, que

Le bruit des lourds canons roulant vers Austerlitz (1).

Il y a évidemment, dans ce jour ouvert par des Français à des étrangers, à des ennemis, sur les plans secrets de la diplomatie française, un spectacle offensant pour

(L) Victor Huco, Regard jeté dans une mansarde, dans les Rayons et les Ombres.

Cette correspondance a-t-elle continué encore en 1806? D'Antraigues raconte, dans une lettre à Canning (B. M.), qu'il a pu communiquer à l’empereur Alexandre l'opinion du général Mathieu Dumas sur l’armée russe, après la bataille d’Austerlitz : « J'ai encore ici cette opinion, qu'un de mes amis en France est venu à bout de se procurer et n'a envoyée. »