Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
238 CHAPITRE SIXIÈME.
Leclerc vint aussi ; il était hors de lui, et deux fois il présenta Le poing fermé à Berthier. J'étais tout ému, et Talleyrand aussi, mais Berthier souriait de colère et le planta là... Le secret a couvert cette incartade et bien d’autres (1).»
La seconde scène s’est passée à Fontainebleau, le 14 juillet 1805. « Pendant que j'étais chez lui à ranger, sur la fin du travail, les nombreux papiers de la correspondance de Turquie qu’il avait parcourus, arriva Murat avec Ramond, chef d'un des bureaux de Berthier, apportant l’état de l’armée de Hanovre qu'il avait demandé... Bonaparte s'était persuadé, je ne sais pourquoi, que depuis son départ pour Milan on devait avoir porté l'armée de Hanovre, par l'envoi successif des conscrits, à 28,000 hommes, et le 14 juillet on lui prouve, papiers sur table, que le 9 juillet il n’y avait en Hanovre que 12,000 hommes. Jamais tigre cnragé n’a été pire. Les jurements, les menaces, — et contre qui? contre son intime ami Berthier, contre Bernadotte, — ont été excessives, et devant treize personnes, toutes sans exception résolues à les en prévenir. Ramond, tout éperdu, ne savait ce qu'il faisait; j'ai repris le portefeuille, et le travail étant bien en ordre, je lui ai mis sous les yeux que ce n'est pas par oubli ni négligence que l’on n’a pas doublé cette armée, mais parce que l'état des magasins et la possibilité de les sustenter exige qu'on n’y envoie que ce qui peut être nourri... Ces explications, j'ai été prié de les donner, Ramond étant devenu muet de terreur: il l'avait deux fois menacé de sa main... À ces étais étaient joints des rapports de nos espions inculpant cel état-major ou plutôt le neveu de Berthier, leur luxe,
(2) L’ami à d’Antraigues, 16-22 juillet 4803.