Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

APPENDICE. 367

pouvez même laisser au dépôt les notes cachetées sur vos observations et ce que vous désirez savoir. Dès que la communication sera rouverte, elles nous arriveront et nous Y ferons droit aussitôt.

Ne vous alarmez pas pour nous, elle se porte à merveille, Mme votre mère aussi, et moi également.

A présent, voici le fait. Vous avez dû voir, par la dernière lettre de noire amie, en date du 4 du courant, que l’état des choses ici élail très bouillonnant et que Mme Bonaparte, par ce qu'elle en avait laissé échapper, était au fait du danger et des chefs qui le suscitaient. Talleyrand ne savait rien que quelques échappées, mais rien de confidentiel. Le Grand Juge, Murat, Treilhard et Rœderer seuls ont été au fait; les premiers, dès le commencement, les derniers, depuis avanthier. Bonaparte était personnellement averti par le Grand Juge qu’il se tramait quelque chose d'assez important, mais le nom de Moreau en imposait et aussi imposail la nécessité d'avoir de fortes preuves. On croit en avoir de suffisantes, et ce matin Talleyrand a été mandé chez Bonaparte avec Durant, et là, Bonaparte lui a manifesté ce qu'il sait et ce que, par ce courrier, on écrit à Champagny et lui à ses subordonnés.

La bombe éclatera demain ou après-demain, c'est-à-dire que, après trois conférences avec Talleyrand, Berthier et le Grand Juge, l'arrestation de Moreau a été décidée, et ce qui l'a retardée de quelques moments sont, je vous en donne ma parole d'honneur, les prières, les larmes de la Bonaparte, qui croit toucher à sa dernière heure et être massacrée par les amis de Moreau s’il périt, ce que je crois aussi fermement qu'elle.

Cet événement sera su trente-six heures à l'avance par nos agents principaux, puisque le courrier de Champagny part dans quelques heures et porte celte lettre au dépôt, car ila l’ordre de passer à Franefort pour y expédier d’autres courriersen poursuivantsans arrêter jusqu'à Vienne. L'homme est sûr: néanmoins j'ai cru devoir user de chiffres, ce qui