Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT. 3

partir la toile, et qu'il donne à Guérin toute latitude pour en fixer lui-même le prix. Beaucoup d'artistes haussent les épaules à ce propos. Ils disent qu’il en sera de Guérin comme d'une foule d’autres : de belles promesses, et puis... rien!

La salle des dessins a plus d'intérêt. On admire surtout les œuvres de Carle Vernet, tout à fait supérieur pour les chevaux. Isabey expose quelques-unes de ses anciennes et charmantes miniatures : un délicat paysage, où lui et sa famille voguent dans une barque sous l’ombrage d’une belle forêt (1); un Bonaparte en pied (2), ressortant vivement sur le lointain grisâtre qui montre la triste Malmaison vaguement indiquée. L'effet du maigre et impénétrable personnage, seul dans cette solitude, n’est pas sympathique. C’est néanmoins le seul portrait vrai de Bonaparte que je connaisse, — quoique Isabey l'ait représenté sensiblement trop grand (3)! D’autres miniatures de cet excellent artiste sont merveilleuses de fini et de délicatesse.

Il est à noter que tous ces tableaux portent une mention manuscrite faisant savoir qu'exposés antérieurement, ils sont encore en la possession des artistes,

Parmi les œuvres des peintres étrangers, il faut signaler quelques portraits et paysages de Weitsch (4) et un tableau de Gareis (5) de Dresde : Orphée implorant Pluton et Proserpine. Depuis un an qu'il habite Paris, Gareis a

(1) Tableau connu sous le nom de la Nacelle. J

(2) Le Bonaparte en pied d'Isabey, gravé par Alexandre Tardieu.

(3) On sait que, sur son lit de mort, Bonaparte avait 5 pieds 2 pouces 4 lignes, soit : 1m,667.

(4) Weitsch (P.-J.-F.), né en 1793, a peint surtout des paysages et des animaux dans le genre Paul Potter.

(5) Gareis (François), né en 1776, dans la basse Lusace, séjourna

à Paris en 1801 et 1802; mort à Rome en 1803. On a reproché à son Orphée d’être froid et raide; le dessin est bon.