Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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de voir deux musiciens de ce mérite persister à travailler pour les « crieurs » qui déshonorent cette scène. Car les vieux chanteurs ne se laisseront pas arracher les emplois dont ils sont nantis, à moins [d’un coup d'autorité pareil à celui dont bénéficie Paisiello. Mais passons sous silence, pour le moment, cette « partie honteuse » du grand théâtre lyrique parisien, si satisfaisant à d’autres égards."

Les gens de goût, à qui les voyages ont appris à connaître la musique de chant italienne, accordent peu d’intérêt aux représentations de l'Opéra. C’est le cas pour Gaillard, amateur distingué, et pour l’astronome Lalande, autre mélomane. Gaillard (1) persifle avec une pétulance toute française, peut-être trop sévèrement, la déclamation lyrique actuelle. Il date, il est vrai, de l’époque où l’on faisait la guerre à Gluck ; Piccini et Sacchini sont restés ses dieux. Il n’abhorre pas moins, du reste, les livrets de l'Opéra qui, bien certainement, ne sont pas conçus en vue du chant.

Depuis que Caillard a quitté son poste diplomatique de Berlin, il mène l’agréable et paisible existence d’archiviste des affaires étrangères. Sa cave et sa cuisine sont restées excellentes, et il se plait toujours, comme à Berlin, à réunir à sa table une société choisie. Il est logé aux frais de l’État, auprès de Talleyrand; il a même fait quelques intérims du ministre, en l'absence du titulaire. La littérature grecque et les auteurs latins l’occupent tou-

(1) Gaillard, dans la diplomatie depuis 4770, ministre à Berlin en 1795. Ami des lettres et des livres, ce qui n’est pas toujours la même chose, il a laissé des travaux intéressants, parmi lesquels l'Histoüre de la révolution de Hollande (1702 à 1T47),.comprise dans l'Histoire universelle de Ségur, est une œuvre remarquable. Caillard avait une magnifique bibliothèque dont il a publié le catalogue en 1805, deux ans avant sa mort. Cette bibliothèque réunie à celle de son fils a été vendue aux enchères en 4810.