Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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lui remit gravement l’ustensile d'argent comme casserole d'honneur, en prononçant une allocution ironique et plaisante. L'histoire m'est suspecte : elle ne cadre ni avec la tournure d'esprit, ni avec les façons calmes de Moreau. Il doit connaître assez les dangers de sa situation pour ne pas s'amuser à jeter de l'huile sur le feu. J'incline à croire qu’il y a là une invention de cette catégorie de gens toujours prêts à attiser le feu qui couve et se complaisant à raconter aussi que deux régiments ont failli en venir aux mains, à Auxonne, à propos d’une discussion sur la supériorité respective des généraux Bonaparte et Moreau.

A l’audience, où les présentations n’ont pas été nombreuses, le Premier Consul s’est montré plus causeur que d'habitude avec les Envoyés, spécialement avec ceux de Suède et d'Angleterre. Il est revenu plusieurs fois à lord Whitworth, vraisemblablement avec intention et pour effacer l'impression causée par sa sortie au « cercle » de Mme Bonaparte. Comme nouvelle du Palais, j'ai recueilli le bruit d’un certain mécontentement parmi les quatre préfets auxquels on vient d’adjoindre un cinquième collègue étranger. C’est un noble italien de vieille souche, ancien ministre à la cour de Piémont, aussi long et maigre de sa personne que les quatre autres préfets sont petits. Contrairement à l'ordinaire, la parade n’a pas été favorisée par le temps; nous sommes retombés en plein hiver, neige et gelée, après plusieurs semaines de printemps. Il est vrai que je me souviens d’avoir fait du feu, à Naples, le 1* mars 1790!

Ici, toutes les cheminées sont rallumées, et la première politesse d’un maître de maison est de dire : « Approchez donc du feu! » Généralement on s’empresse d’obéir : le visiteur se campe le plus près possible du foyer, en tour-