Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

412 UN HIVER À PARIS

Lafon a joué Oreste sur un ton larmoyant, tout en criant beaucoup; Saint-Phal (1) a été meilleur comme Pylade. La belle Volnais n’a pas su trouver pour Andromaque un seul élan tragique. Damas n’a pas été mauvais comme Pyrrhus ; mais lui et Lafon se sont si bien enroués à force de pathétique, que vers la fin de la pièce on ne les entendait plus du tout. En somme, malgré le talent de Mile Duchesnois, représentation peu satisfaisante dans l’ensemble.

Andromaque fournit aujourd'hui à Geoffroi l’occasion de présenter l'apologie de son attitude de critique dans la guerre (reorges et Duchesnois. Il juge finement le mérite respectif des deux rivales et se prononce, sur l’agitation qu’elles ont suscitée, en homme de goût qui connaît bien son public. Le ton qu'il a su prendre, en formulant son arrêt littéraire, témoignerait à lui seul de son esprit judicieux. Comme aux Français, c’est par l’ensemble du programme qu'a péché le concert de Mme Leval. Personnellement, elle a bien exécuté un brillant concerto de Dusseck pour piano et un gracieux concerto pour harpe de Steibelt. Elle projette un voyage en Allemagne; bien que l’on néglige chez nous la harpe, je prédis du succès à Mme Leval.

L'annonce d’un ténor débutant à l'Opéra m’a fait revoir Armide. Il se nomme Nourrit (2); on l’a vivement applaudi. Il n’a pas « crié » comme Lainez, mais a véritablement « chanté », et fort agréablement à diverses re-

(1) Le registre de la Comédie-Française porte le nom de Desprez.

(2) Louis Nourrit, né à Montpellier en 1780, enfant de chœur de la collégiale de cette ville. Timbre pur et argentin, émission facile, justesse d’intonation, bonne diction, mais n'ayant jamais eu la chaleur et l’entente de la scène de Laïnez, Il a tenu l'emploi de ténor de 1812 à 1826; père d'Adolphe Nourrit,