Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT. 217

Je soupçonne le personnage de n’être qu’un racoleur à la solde de la Ferme; ses bénéfices doivent faire peu de trous à la caisse sociale.

On commence à se préoccuper des éventualités de guerre. Les mesures d'expulsion prises contre quelques Anglais notables et le message du roi d'Angleterre réclamant l'assistance de la Chambre des communes contre les agissements du gouvernement français ont enfin éveillé l'attention. Jusqu'à présent les Parisiens attachaïent peu d'importance à la guerre de plume qui se poursuit dans les journaux et aux travaux activement poussés dans les ports de Brest et de Boulogne. Jugeant des affaires politiques comme les banquiers et les commerçants de leurs spéculations, ils se figuraient que les Anglais ne visaient qu'à s'emparer des nombreux vaisseaux français et hollandais qui sont en mer. En général ils ne savent des affaires publiques que ce que le gouvernement veut bien leur apprendre; et comme le gouvernement se conforme à la maxime du Premier Consul : La Providence règne par le silence, ils savent fort peu de choses. Le mutisme officiel s’étend jusqu'aux questions commerciales ; les journaux viennent d’annoncer à limproviste la prohibition des sucres raffinés, même de ceux qui forment les cargaisons des navires en vue des côtes. C’est une perte sèche qui va frapper les négociants. Ils n’auront d’autre ressource que de s’arranger à l'amiable moyennant finance avec les agents de douane.

Les bruits de guerre provoquent aussi des faillites: plusieurs de mes amis sont atteints dans leur intérêt ; on annonce hautement que beaucoup de maisons, qui résistent encore, ne passeront pas l’été sans déposer leur bilan.

La classe rurale est la seule qui fasse bien ses affaires,

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