Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT, 419

qui apporta les tasses dit que nous étions les derniers dîneurs présents; il attendait depuis plus de deux heures notre coup de sonnette, sans que sa bonne humeur fût altérée. Nous lui demandâmes d’où venaient des rires qui nous intriguaient depuis quelque temps. — « Mes camarades et moi nous nettoyons la vaisselle et l’argenterie, répondit-il d’un air malin, et comme nous n’avons pas d'aussi intéressants sujets de conversation que vous, messieurs, nous nous amusons à rire. » — L’humeur joviale du garçon a donné de l’à-propos à une pièce de vers trouvée en rentrant sur ma table avec Le Journal de Paris. Je la copie à votre intention :

Le vis de Paris. (Stances.)

On rit d'un fou; parfois d'un sage, On rit encore davantage;

Mais il faut bien rire à Paris, Puisqu'il est le séjour des ris.

Rions des sottises des autres,

Tout comme on doit rire des nôtres; Ne riroit-on qu'en pareil cas,

On rira longtemps ici-bas.

Je ris des pleurs d'une Lucrèce Qui tout bas rit de ma hardiesse; Le baiser qu'en riant j'ai pris, Sur sa bouche étouffa les ris.

Un Midas paye un faux sourire

Et n’a jamais le mot pour rire; Tandis qu'il rit du bout des dents, Un autre rit à ses dépens.

Riant d'avance, un pauvre sire

Nous dit tout haut : « Vous allez rire... » Sans rire on l'écoute à moitié,

Et si l’on rit, c'est de pitié.

On rit de tout dans ce bas monde : Fille rit de mère qui gronde,