Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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menté de terrains pris sur le bois de Boulogne. Le reste du bois n’a pas été complètement abattu, mais fort éclairei : les arbres de haute futaie ont servi, comme ceux du Luxembourg, à chauffer les meneurs démagogiques de l’époque: de distance en distance, un grand arbre domine des taillis et des broussailles. Dans le voisinage, sur la droite, l’ancien château de la Muette et son pare ont été achetés par deux négociants qui se les sont partagés. En suivant le tracé de la route que l’on ouvre, nous sommes arrivés à Sèvres, en passant la Seine. Comme Passy, cette localité a perdu son animation joyeuse et son apparence de richesse; je n’y ai vu que des blanchisseuses étendant le linge des Parisiens. La manufacture de porcelaine est encombrée de marchandises; la vente est peu active, depuis que des fabriques nouvellement établies à Paris font concurrence à l’ancienne manufacture royale.

A Saint-Cloud, nous avons déjeuné dans un restaurant donnant sur l'avenue du château. Nous avions pour voisin de table un marchand de chevaux allant tous les trois mois, en Angleterre, acheter des chevaux et des chiens. Il est le fournisseur de Bonaparte qui, nous a-t-il dit, a deux cents chevaux dans ses écuries et une très belle meute; Lucien est encore mieux monté. Lecourbe et Moreau et d’autres généraux sont ausside bons clients du maquignon.

Rentrés en ville par la rive droite de la Seine, nous entrions, à sept heures, dans le magnifique établissement de Véry, « restaurateur, glacier, limonadier », installé sur la terrasse des Feuillants. La splendide Mme Véry, danses. Cet établissement, construit en 1714 sous les ordres et sur les dessins de Morisan, décorateur et artificier du Roi, fut appelé Ranelagh, à l'instar de la salle de concert et de thé édifiée à Chel-

sea, près Londres, par un seigneur Ranelagh, pair d'Irlande, qui laissa son nom à ce lieu de plaisir.