Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT. 197

trônant comme une Junon sur son estrade, surveillait avec une vigilance infatigable le service des deux salles du rez-de-chaussée, remplies de monde. Au-dessus, il existe des salons réservés aux diners commandés, pour lesquels on paye jusqu’à cinq et six louis par tête. Je ne vous ferai pas l’éloge de la cuisine de Véry : sa réputation a dû parvenir jusqu’à vous; elle est justifiée. J'ai glissé dans ma poche une carte de cet illustre restaurateur, Elle contient l’énumération de huit potages divers, quatorze hors-d’œuvre, onze entrées de bœuf, dix de mouton; seize de veau, vingt-sept de volaille, seize espèces de poisson, treize rôtis, dix pâtisseries, vingt-neuf entremets, vingt-six desserts, fruits, fromages et autres, cinquante-cinq espèces de vins français et étrangers, vingtcinq sortes de liqueurs fines. Sur les cent cinquante plats annoncés par la carte, dix-sept seulement n'étaient plus disponibles au moment où nous nous sommes attablés, à une heure un peu tardive pour les habitués. Les prix varient de deux à une livre par portion, pour les viandes; de six à une livre pour la volaille et le gibier; les chiffres supérieurs sont ceux des plats truffés. Pour le poisson, les prix descendent de trois livres à une livre dix sols, du savoureux turbot au merlan vulgaire. Les vins rouges et blancs ordinaires coûtent de deux à trois livres la bouteille: le champagne de trois livres dix sols à sept livres, suivant la marque; les vins fins, de sept à trois livres dix sols, du bordeaux-laffitte et du moraché, récolte 1791, au beaune et au pomard. Quant aux vins de liqueur extra-fins : madère, rota, malaga, pajarete, constance, chypre, les prix sont de huit à dix livres la demi-bouteille.

Après notre promenade et le succulent dîner, j'ai gagné mon lit avec plaisir.