Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

432 UN HIVER A PARIS

comédiens d'ici; ce qui prouve que nous avons tort, en Allemagne, de taxer d’exagéré le geste des acteurs français : c’est une habitude nationale. J'ai été surpris de leur trouver des organes agréables; celui de la femme m'a semblé plus fort que celui de l’homme.

Au moment où je pénétrais dans la salle, le « rapporteur » lisait l'acte d'accusation. Il en ressortait que la fille de Trimaux était morte empoisonnée, et que tout désignait le père comme l’auteur du crime. Le président procéda ensuite à l’interrogatoire avec gravité, mesure et fermeté. L'accusé commença par protester vivement de son innocence; il parla de son honneur, déclara qu'il ne savait rien sur la cause de la mort de sa fille. Mais il se défendit moins bien quand le président, le pressant de questions, lui reprocha d’avoir été un mauvais père, d’avoir souvent maltraité la défunte, de lavoir injuriée en lui reprochant de ressembler à sa mère, — femme estimée dans son quartier, morte, elle aussi, subitement, il y a plusieurs années, — enfin d’avoir introduit dans sa maison une concubine à laquelle il avait laissé la haute main sur ses filles déjà grandes.

Un médecin fut appelé pour faire son rapport. Il déclara que l’on avait laissé la pauvre fille en proie à des vomissements, de neuf heures du matin à sept heures du soir, sans appeler de secours ; que le père avait montré peu d'émotion quand le médecin lui avait dit que sa fille était empoisonnée; que l’autopsie avait démontré que l’on avait mélé du poison aux derniers médicaments prescrits. D’autres médecins, qui avaient assisté à l’autopsie, vinrent confirmer la déposition de leur confrère en termes précis et en fort bon langage : l’un était un vieux praticien à tournure bourgeoise; l’autre, un jeune docteur

2

tout à fait à la mode, L’interrogatoire fut repris par le