Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT. 431

ment vêtues. Les débats ayant été ajournés au lendemain, je me suis pressé de courir à un rendez-vous musical chez Mme Moreau, pour lequel j'étais en retard. Mais je n’ai pas manqué de compléter mon étude criminelle, en me retrouvant à la reprise de l'audience. Je puis donc vous donner un compte rendu à peu près complet.

La salle spacieuse était insuffisante pour le public, qui s’y étouffait. Au fond, sur une estrade, étaient assis les trois juges, le président au milieu, en costume assez mesquin, dans tous les cas ni imposant ni solennel : leur habit est de velours noir ; un long manteau de soie noire les enveloppe; ils sont coiïffés d’une toque haute et raide en velours noir, garnie d’un double cordon d’or. Cette coiffure a l'apparence d’un bonnet de hussard ou de chasseur. Toutes les fois qu’un des magistrats parlait, il se couvrait de sa toque, l’ôtait dès qu’il se taisait, et sa frisure blanche à la moderne, apparaissant alors, produisait un effet bizarre, en contraste avec le grand manteau noir. A la droite du président sont placés les jurés, dans une sorte de tribune légèrement exhaussée ; à sa gauche, sur un banc plus élevé, étaient assis l'accusé, l’herboriste Trimaux, entre deux gendarmes, et près de lui, séparée par trois gendarmes, sa concubine. Les accusés étaient mis très convenablement. Trimaux était même frisé; la femme avait une robe en drap anglais bleu, un mouchoir blanc roulé en forme de turban sur la tête; c’est une fort belle personne. La physionomie de l'accusé est méchante et sournoise, son teint pâle, presque jaune; sa complice, dont le teint est clair, changeait fréquemment de couleur. L’un et l’autre étaient libres de leurs mouvements; on ne leur voyait pas de chaînes aux mains.

Ils se défendaient avec vivacité, gesticulant comme les