Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt
SOUS LE CONSULAT. 35 l'Opéra. La grâce suprême a disparu, la dignité et la perfection de l’ensemble font défaut. Vestris et ses comparses bondissent, s’étirent, s’allongent de mille manières : rien n’y fait! Le ballet a cessé d’être cette merveille artistique de l’Académie royale dont aucune description ne donne l’idée. Il ressemble aujourd’hui à ce que l’on peut voir sur d’autres grandes scènes de l’Europe, avec un degré supérieur de richesse, de perfection et de grandeur; mais ce n’est plus qu’une succession d’évolutions séduisantes encadrant des tableaux voluptueux. Gardel a un talent incontestable pour disposer ses tableaux et charmer les yeux; quant au plan de ses pantomimes, de celle-ci notamment, il est puéril. Je ne suis même plus satisfait de la décoration : les draperies sont, il est vrai, magnifiques, les derniers plans de la scène fort beaux, mais les devants sont négligés. On paraît ne songer qu'à ménager de la place aux évolutions interminables des danseuses, en sacrifiant les véritables effets de la scène. On s’aperçoit trop que les artistes ont affaire à un public plus grossier et moins intelligent que celui d'autrefois; ce publie se fait juger, du reste, par son tapage et par ses applaudissements ineptes.
Le costume des danseuses est d’une élégance et d’une richesse qui défient la critique. Nos directeurs d’outreRhin lui feraient un triple reproche : celui d’être trop court, trop diaphane et trop coûteux. L'éclairage est habilement compris; l'optique et le pittoresque ne laissent rien à désirer.
Ce qui contribue à diminuer pour moi l'attrait des ballets, c’est leur musique, composée d’airs ramassés dans tous les quatuors, symphonies, sonates ou opéras connus. Les nobles motifs d'Haydn sont accouplés aux plus plates rapsodies et le tout s'exécute sur un rythme