Une mission en Vendée, 1793

296 UNE MISSION EN VENDÉE, 1193.

royaux, et cette masse de cadavres entassés jointe aux exhalaisons pestilentielles de la Loire toute souillée de sang, a corrompu l'air. Des gardes nationales de Nantes ont été envoyées par corvées pour enterrer les morts, et deux mille personnes en moins de deux mois ont péri d’une maladie contagieuse. L’embarras de la Loire n’a pas permis de faire venir des subsistances pour remplacer celles qu’absorbaient nos armées, et la commune est en proie à la plus horrible disette. On dit que la Vendée n’est plus et Charette à quatre lieues de Nantes tient en échec les bataillons de la République qu’on lui envoie les uns après les autres, comme dans le dessein de les sacrifier. On ne dissimule pas qu’on veut éterniser la guerre. «Nous la finirons quand nous voudrons, » disent les généraux, et cependant elle ne finit pas.

« Quand des canons sont pris, un général répond : « Nous avons letemps de les reprendre. » Etcependant on laisse aggraver le mal. On affecte le mépris le plus indécent des assassins de la patrie; on voit de sangfroid périr ses défenseurs. Une armée est dans Nantes, sans discipline, sans ordre, tandis qu'on envoie des corps épars à la boucherie. D'un côté l’on pille, de l’autre on tue la République. Un peuple de généraux fiers de leurs épaulettes et broderies en or aux collets, riches des appointements qu'ils volent, éclaboussent dans leurs voitures les sans-culottes à pied, sont toujours auprès des femmes, aux spectacles ou dans les fêtes et repas somptueux qui insultent à la misère publique, et dédaignent ouvertement la société populaire où ils ne vont que très rarement avec Carrier. Celui-ci est invisible à tous les corps constitués, les membres du elub et tous les patriotes. Il se fait dire malade et à la campagne, afin de se soustraire aux